Repère d'Azriel, près de la fontaine

Sendièl s'arrêta devant la fontaine dont l'eau avait pris une teinte pourpre. Il frissonna: on aurait dit du sang.
La lumière émanait du rocher qui se trouvait près d'elle et sur lequel était dessinée une porte. Il s'en approcha en silence, et tendit la main au-dessus de lui.
Un puissant battement de coeur le stoppa net, accompagné d'une vision du sabre. Il se plia en deux, étouffant un gémissement, puis se redressa tant bien que mal et fit un pas en arrière.
Sans qu'il comprit vraiment pourquoi, il sut qu'il devait toucher la pierre. Il le fallait! Tout son corps frissonnait à cette pensée et pourtant...
Il devait le faire!
Il s'avança de nouveau, hésita, puis s'exécuta, se sentant soudain transporté dans un autre endroit. Une grotte...
Cela lui rappelait vaguement quelque chose...
L'ange ne distinguait rien, ni personne, mais il se sentit guidé vers l'un des murs et s'en approcha inexorablement, avant d'y poser la paume à plat.
C'était là...
Ce qu'il cherchait....
Il sentait une chaleur émaner de la pierre, si douce et envoûtante!
Sendièl tomba à genoux, encore une fois son coeur avait battu plus fort et il suffoqua, poussant cette fois un léger cri afin d'évacuer sa douleur.
Tout autour de lui redevint normal.
Il détailla la grotte en reprenant son souffle et remarqua l'Elfe qui le fixait en silence. Il touchait toujours le mur et le souvenir de ce qui s'était passé à cet endroit quelque temps plus tôt lui revint.
Le sabre était là. Scellé à cet endroit précis. Et il l'avait appelé et mené jusqu'à lui.
Sendèl ne put réprimer un frisson de terreur. Ce n'était qu'une arme et elle l'avait pourtant déjà mené si loin!
Pourtant il voulait tellement le récupérer!

"Rendez-le moi. Dit-il à Azriel d'un ton calme. Je dois le reprendre."

L'inquiétude quitta son visage, laissant place à un calme effroyable, une impassibilité parfaite.

Azriel se lève lentement et s'approche de l'ange.

- Je t'ai laissé entrer uniquement parce que malgré ton état je t'ai reconnu. Tu as demandé à sceller cette arme pour de bonnes raisons la dernière fois, et je t'ai assuré qu'il serait ici en sécurité, à la fois des autres, mais aussi de toi. Je ne peux donc pas te le rendre, pas maintenant. Il te détruirait.

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de l'ange.

"Intérieurement, je suis déjà mort. Dit-il simplement. Il me hante et m'appelle sans arrêt. Je vais devenir fou avant de l'avoir récupéré. Meis ceci vous importe peu...vous vous terrez dans cette grotte en attendant votre heure, vous ne pouvez même pas imaginer combien je souffre en attendant de pouvoir le sortir d'ici!"

Il s'était avancé lentement vers l'elfe et son sourire s'estompa.

"Plus le temps passe et plus mes chances de parvenir à le détruire s'amincissent. Voulez-vous attendre mon retour? Ce jour où la folie se sera complètement emparée de moi et me ramènera ici? Voulez-vous attendre ma mort...? Viraèl avait raison au moins sur ce point: ma dépendance augmente sans arrêt. Seules ma mort ou sa destruction pourraient y mettre un terme! Prendre le risque de sombrer pour en fnir avec cette folie, je trouve que c'est relativement équitable, non? Je veux le savoir! Je n'en peux plus d'attendre!"

- Tu parles comme un drogué en manque. Je ne te confierai de nouveau cette arme que si ta volonté est de la détruire à tout jamais.

La décision de l'elfe est sans appel. Il retourne s'asseoir près des flammes bleues de son petit feu de bois.

Viraèl, Sendièl et Azriel apparaissent près de la grosse pierre marquant l'entrée de la grotte, repère de l'elfe gris.

Tous trois posent leur main sur la surface rugueuse et tiède, et sont instantanément transporté à l'intérieur.

Azriel s'approche de la paroi rocheuse où le sabre a disparu. Il pose la main gauche sur la roche, saisit une fiole contenant la flamme bleue qui animait son feu, la brise sur le mur, tout en murmurant quelques paroles en vieil elfique.

La paroi s'illumine et se fissure. Il recule, attendant que le sabre se libère à présent de lui-même.
Sendièl ressent l'appel du sabre de façon intense et soudaine. C'est comme s'il lui parlait en riant, heureux d'être enfin libre et remis à son propriétaire.

Des morceaux de roche importants jaillissent comme sous l'effet d'une explosion, et le sabre sort enfin du mur, brillant de mille feux et planant au dessus du sol.

Le regard de Sendièl s'illumina alors qu'il approchait la main du sabre. Viraèl lui saisit le poignet.

"Je te tue tout de suite si tu pètes un plomb, compris?"

L'ange déchu acquiesça d'un mouvement de tête, sans lâcher l'arme des yeux. Peu à peu, ses doigts se rapprochèrent de la poignée, et finirent par l'effleurer. Un frisson lui parcourut l'échine alors qu'il pouvait enfin s'en saisir et tirer la lame du fourreau, puis la contempler avec un regard avide.
Il dégaina brusquement et son bras décrivit un long arc de cercle. La pointe du sabre s'arrêta à seulement quelques millimètres de la gorge d'un Viraèl impassible et prêt à tout.

"Patience... Murmura ce dernier. Patience... Je suis encore invulnérable."

Sendièl sourit vaguement, et cela produisit un étrange contraste avec l'ombre de son regard.
Il ne bougea cependant pas. Il lui fallait attendre que l'aura divine de Viraèl s'estompât. Ensuite, il pourrait agir.

Azriel s'approche du dos de Viraèl et murmure

- Bien, et si vous retourniez en Olympe maintenant, mm? Vous en faites pas pour moi, je me débrouilleria pour repartir d'où je viens. Mais de grâce, ne faites pas de folie, tous les deux... Si ce n'est déja trop tard bien sûr...

Viraèl haussa les épaules, sans quittant Sendièl du regard.

"Désolé, mais on ne va pas bouger tout de suite. C'est important qu'on reste là jusqu'à ce que je ne sois plus tout brillant! Ne t'inquiète pas, il n'y a rien de fou là-dedans, juste beaucoup d'audace!"

Peu à peu, l'aura de Viraèl commençait à s'estomper.
Sendièl se mit à sourire plus franchement. Il attendait cet instant depuis longtemps déjà.

"Ne me tue pas tout de suite, Flinti. Le mit en garde Viraèl. Si je t'ai promis que tu pourrais le faire plus tard, je peux t'assurer que je tiendrai parole!
-Ne t'inquiète pas pour ça..."

Viraèl sourit à son tour. Il trouvait la situation cocasse, mais ne savait pas s'il devait ou non croire les paroles d'un Sendièl tenant le sabre pointé sur sa gorge. Il était d'aillerus très étrange qu'il fût parvenu à retenir son bras jusque là. Il subirait sûrement les conséquences de sa résistance ensuite...
L'aura finit de disparaître, dans un étrange grésillement lumineux.
tout se passa alors très vite: Viraèl bondit en avant, afin d'éviter d'être touché au mauvais endroit, et la lame lui traversa l'abdomen en l'espace d'un souffle.
Les deux anges se tenaient face à face, se fixant dans le blanc des yeux avec une animosité renaissante.
Et puis Sendièl recula d'un pas, libérant le sabre du corps de son double et le laissant tomber à genoux sous le poids de la douleur.
Viraèl mit quelques secondes à retrouver son souffle et son calme. Ses ailes brûlantes lui arrachèrent un gémissement. Il se souvenait de cette souffrance unique...
La malédiction des Avatars.
Il se releva lentement. Sendièl avait porté une main à sa tête, et son regard commençait à se perdre sous l'effet de la folie.
Il fallait agir vite.
Viraèl saisit le poignet de l'ange déchu, et disparut.
Sendièl releva les yeux. Ils s'étaient irisés de pourpre.
Eternel recommencement...

Azriel avait observé la scène sans un mot. Quand enfin l'unique ange restant se tourne vers lui, avec son regard étrange, il soupire.
- Je vois... Viraèl, tu comptes ainsi maitriser la folie de ton ami... Je me demande ce qu'il a bien pu faire pour que tu tiennes à lui à ce point... Bien, peux tu me renvoyer d'où je viens maintenant? Ca m'évitera un long voyage à pied.

Viraèl acquiesça d'un signe de tête.

"Merci pour ton aide."

Sans rien ajouter, il ferma les yeux et renvoya Azriel. Puis, après avoir remis le sabre fourreau, il transposa le corps de Sendièl en Olympe.


* Entrée de l'Olympe*